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prêtres médecins.

la magie noire peut se montrer plus puissante que la magie blanche. Dès qu’il voit le cas désespéré, l’honnête angakok fait appel, si possible, à un ou plusieurs confrères ; ensemble, ces médecins des âmes réconfortent le mourant ; d’une voix solennelle ils vantent les félicités du paradis, chantent en sourdine un cantique d’adieu qu’ils accompagnent délicatement sur le tambour.

Dans les Kousouinek poursuivis par la haine des angakout, on a cru voir les prêtres d’une religion antérieure, dégradés en méchants sorciers. Toujours est-il que les angakout, eux-mêmes, sont représentés comme suppôts du noir Satanas par les missionnaires grecs, luthériens et autres, qui déclarent et affirment de science certaine, que Tornarsouk, le dieu esquimau, n’est autre que le grand Diable d’enfer.

L’hiver durant, on ne va pas toujours à la chasse de l’ours et du renard ; on n’est pas toujours à surprendre le pauvre phoque, quand il met son nez hors de son trou pour respirer ; on ne peut pas toujours construire des barques, fabriquer des traîneaux ou raquettes. La vie ne serait pas tenable si l’on ne se donnait quelque bon temps. Le taudis est pauvre et misérable, raison de plus pour l’égayer. L’Esquimau rit de tout : rit de l’homme blanc, avec ses cent outils et ses mille brimborions ; il rit en se dégelant le nez et les mains en danger de gangrène ; il rit en ingurgitant son huile, en se graissant la peau, en lubréfiant ses vêtements à l’intérieur et à l’extérieur ; il rit et ne demande qu’à rire. Les Inoïts n’ont guère d’autres plaisirs que ceux de la société : ils ne s’en