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cuisine.

Avides, anxieux, aiguisant leurs dents, ils n’attendent pas toujours que les proies soient mortes. Se jetant sur elles, ils les dévorent encore vivantes : les uns coupent et taillent ; les autres arrachent les membres et les déchiquettent, à force de bras, sans plus de souci des souffrances de la victime que le civilisé qui gobe une huître arrosée d’un filet de citron ; et sans se croire plus cruels que le cuisinier quand il écorche l’anguille qui se tord sous ses ongles. Après avoir calmé les premières fureurs de la faim, ils embrochent quelque pièce au-dessus d’un brasier, mais n’attendent guère, l’avalent encore fumeuse et brûlante, crue en même temps que charbonnée. Les entrailles passent pour délicates bouchées et morceaux d’honneur. Sur la chair de l’animal, tous ont droit égal, mais le chasseur qui l’a abattu, réclame la robe ou la toison.

Ces orgies de la faim qui s’assouvit, fêtes suprêmes de misérables qui risquent si souvent de périr d’inanition, rappellent le grand acte des mystères dionysiaques : initiés et initiées se jetant sur le chevreau, symbole de Bacchus Zagreus, mordant à cru dans les membres tremblants, plongeant des mains sanglantes dans les viscères déchirés, et se disputant le cœur pour le dévorer, tandis qu’il palpitait encore.

Entre les mangeurs de viande crue et les cannibales, la distance passe pour médiocre ; aussi les Apaches sont accusés d’anthropophagie. Le fait n’est pas prouvé. Cependant ils auraient un jour répondu que les Puntalis, tribu plus au nord, ne sont pas bons à manger, leur viande ayant un goût trop salé.

En fait d’armes, les fusils, encore rares, n’ont pas tout à fait supplanté la lance et les flèches, appointées avec des morceaux de bois durci, d’obsidienne, de cuivre natif,