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les apaches.

une année, et s’inquiètent peu d’en compter le nombre.

D’une grossesse à l’autre, l’intervalle ordinaire comporte trois années consacrées à l’allaitement du nourrisson. L’enfant reste avec la mère jusqu’à ce qu’il cueille lui-même certains fruits, et qu’il ait attrapé un rat sans le secours de personne. Après cet exploit, il va et vient comme il lui plaît ; il est libre et indépendant, maître de tous ses droits civils et politiques, et ne tarde pas à se perdre dans le gros de la horde. Les parents seraient mal venus à punir leurs garçons et à les réprimander sévèrement. Chose aussi sérieuse n’a lieu qu’avec le consentement de l’entière tribu, laquelle n’a point abdiqué ses droits de paternité collective, ne les a pas encore délégués aux chefs de famille en leur capacité individuelle. Elle n’use de son droit que rarement, ou jamais ; elle craindrait trop de diminuer la férocité native des gamins, férocité qui les rend hardis et indomptables. Un Navajo racontait que s’il se permettait de corriger son fils, celui-ci ne manquerait pas de lui décocher une flèche de derrière un arbre[1]. — Pensez-y donc ! il faut donner au jeune homme toutes les vertus du brigand. Et sans aller bien loin, chez les Mexicains, à côté du routier un soldat ne fait que piteuse figure[2] ; encore le militaire se vante-t-il le plus souvent de n’être pas tout à fait étranger au noble métier du batteur d’estrade.

Un état social aussi primitif ne fait pas de place aux chétifs. Les forts n’ont pas assez pour eux-mêmes, comment s’embarrasseraient-ils des faibles ? Cependant quelques éclopés des bagarres précédentes parviennent à se

  1. Bancroft, Native Races.
  2. Dixon, White Conquest.