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les inoïts orientaux

Un autre voit les choses du bon côté :

« Ce froid, plus terrible que le loup blanc et que l’ours gris, ce froid qui saisit sa victime à son insu, instantanément, mortellement, ce froid active et purifie le sang, ravive les forces, aiguise l’appétit, favorise les fonctions de l’estomac, et le rend le meilleur des calorifères ; il endort la douleur, arrête l’hémorragie. Si tant est qu’il nous frappe, c’est en envoyant le sommeil ; il donne la mort au milieu des rêves. Ce froid intense, si sec et pur, suspend la putréfaction, détruit les miasmes, assainit l’air, en augmente la densité ; il purifie l’eau douce, distille les eaux amères de l’Océan, et les rend potables ; il transforme en cristaux le lait, le vin et les liqueurs, permet de les transporter ; il remplace le sel dans les viandes, la cuisson dans les fruits, dont il fait des conserves économiques et durables ; il rend comestibles la viande et le suif crus ; il étanche les marais et lagunes, arrête le cours des maladies, révèle aux chasseurs la présence du renne en l’entourant de brouillards. La soie, le duvet, les plumes s’attachent aux doigts comme s’ils étaient enduits de glu, les copeaux adhèrent au rabot. La chevelure s’ébouriffe sous le peigne, se hérisse et s’agite avec des crépitations. On ne peut revêtir des fourrures, se couvrir d’une simple couverture de laine, sans faire jaillir de ces peaux, de cette laine, de ces mains, du corps, des étincelles accompagnées de pétillements… »

Plusieurs ont voulu que la race des Inoïts fût la plus arriérée et la plus grossière de notre espèce. Cette distinction a été généreusement accordée à tant de hordes, peuplades et nationalités qu’elle a cessé d’avoir aucune importance ; elle n’est plus qu’une figure de rhétorique, une simple manière de dire que les gens sont peu connus. Chaque explorateur représente les sauvages qu’il a ob-