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la coutume des rakchasas.

Les populations khondes sont exogames, c’est-à-dire ne permettent le mariage qu’entre individus de clans différents. Elles prohibent, comme entachée d’inceste, toute union entre « co-gentiles », la punissent de mort, quelque éloignée que soit la ramification, et quand même un des conjoints ne serait entré dans la famille que par adoption. Le mariage khonde, fort étudié par Mac Lennan, nous présente un échantillon bien conservé du rapt officiel, que Manou appelle « coutume des Rakchasas » et définit : « la capture violente d’une fille qui pleure et crie au secours. » Mais ces cris et pleurs ne sont plus que comédie ; après négociations et longs marchandages, la fille est remise contre lourde somme qu’il faut avoir comptée avant l’enlèvement, qui a toujours lieu après un banquet et au milieu des danses. Au plus gai de la fête, les oncles maternels des futurs conjoints, — rappelons que dans le droit primitif ils ont la tutelle des enfants à l’exclusion du père, — les oncles imaginent de charger sur leurs épaules, jambe de-ci, jambe de-là, qui son neveu, qui sa nièce ; ils piaffent et caracolent : — « Messieurs, n’oubliez pas que je sons à cheval ! » comme disait le capitaine dans le Petit Faust.

La fille emportée à califourchon sur les épaules, cette gesticulation éminemment symbolique du rapt, n’est point d’occurrence accidentelle ou isolée. Nous la constatons en divers pays éloignés les uns des autres, et en particulier chez de nombreuses tribus africaines. Comme par une fantaisie subite, les danseurs échangent leur charge, et celui qui a pris la fillette décampe brusquement. Une rumeur s’élève ; l’assistance se partage en deux camps ; il pleut des horions, mais le parti brigand donnera les derniers coups. Un prêtre, loué pour la circonstance, accom-