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adultère à prix fixe.

dant un jour ou deux, jusqu’à ce que l’autre ait soldé l’amende : un cochon, douze têtes de bétail, prix fixe et connu d’avance. Après encaissement, l’époux qui ne se tiendrait pas pour indemne, passerait pour ombrageux et difficile à vivre. En quelques endroits, cependant, le point d’honneur exige que, sans attendre la remise des dommages-intéréts, l’amant et le mari se prennent aux cheveux, se secouent gaillardement devant une impartiale assemblée qui applaudit aux bons coups. Toutes armes autres que les naturelles sont alors interdites ; entre frères, concitoyens et cogentiles, coups de poing et coups de pied doivent suffire. D’ailleurs il n’y a pas eu adultère à proprement parler : un cousin a pris la place qui appartenait à un autre cousin, mais tout s’est passé en famille. Après le duel, Paris et Ménélas se complimentent réciproquement, s’asseyent à un banquet auquel Belle Hélène a donné ses soins. Même coutume existait naguère en Mingrélie[1], où un cochon d’amende faisait aussi les frais de la réconciliation. L’épouse khonde gagne en considération si l’accident se renouvelle de temps à autre : autant de galants prouvés en justice, autant de titres d’honneur. Des matrones morigènent de jeunes femmes, disent en se rengorgeant : « Moi, ma petite Sophie, à ton âge, j’avais déjà fait payer l’amende à celui-ci et à celui-là… » Si décente de maintien, si réservée en ses propos qu’elle n’ose dire : « mon mari », mais emploie la circonlocution : « le père de mes enfants », elle ne craint pas d’en faire porter à ce père-là. Bagatelle en Khondie, où la doctrine de la filiation paternelle en est encore à se consolider. En pareille matière, deux ou trois siècles comptent pour

  1. Chardin, R. P. Zampi.