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les inoïts orientaux.

« Kouillitleuk avait déjà mangé jusqu’à en être ivre. Il s’endormait, le visage rouge et brûlant, la bouche toujours ouverte. Sa femme le gavait, lui enfonçait dans la gorge, et en s’aidant de l’index, des chiffes de viande à demi bouillie, qu’elle rognait ras les lèvres. Elle suivait attentivement la déglutition, et les vides qui se produisaient dans l’orifice, elle les bouchait tout aussitôt par des tampons de graisse crue. L’heureux homme ne bougeait, jouant seulement des molaires, mastiquant lentement, n’ouvrant pas même les yeux. De temps à autre s’échappait un son étouffé, grognement de satisfaction… »

C’est par l’énergie de leur système digestif que les Esquimaux se soutiennent, gais et robustes, sous leur climat glacé. Nulle part, même sous la zone torride, on ne fait moindre usage du feu qu’au milieu de ces neiges presque éternelles. Occupés constamment à brûler de l’huile et de la graisse dans leur estomac, les Inoïts, d’haleine ardente, ne recherchent pas les feux de bois ou de charbon. « Ils sont toujours altérés, dit Parry. Quand ils me visitaient, ils demandaient toujours de l’eau, en buvaient de telles quantités qu’il était impossible de leur fournir la moitié de ce qu’ils eussent voulu. » — Le froid, remarque Lubbock, est plus nécessaire que la chaleur aux habitants de ces maisons en neige dans lesquelles la température ne peut s’élever au degré de la glace fondante, sans que le toit ne dégèle et ne suinte, ne menace de pleuvoir et de s’écrouler sur ceux qu’il devrait abriter. Inconvénient grave, auquel on remédie tant bien que mal en tendant des peaux sous la voûte et sur le pourtour de la muraille, qu’on a eu soin de ne pas faire trop épaisse, pour qu’elle reste pénétrée de la froidure extérieure. Appendus aux parois,