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la mort.

vaguement. La Mort avance, la Mort approche. Elle grandit de minute en minute, glisse silencieuse sur la neige épaisse. Il compte ses pas… La voici, la Mort. Déjà elle soupèse le harpon dont il transperça maintes fois l’ours et le phoque. Elle se redresse, lève le bras. Il attend, attend…

À la vue de cette hutte isolée, mystérieuse, des étrangers apprenant ce qui s’y passait, ont été saisis d’horreur et de compassion. Ils ont éventré la muraille et qu’ont-ils vu ? Un mort, les yeux grand ouverts sur l’infini. Ou bien un mourant qui d’une voix de reproche : — « Que faites-vous ? Pourquoi me troubler ? C’était assez de mourir une fois ! »


Les Tchouktches, qu’on prend généralement pour un rameau du tronc inoït, prétendent que c’est faiblesse et fausse compassion de ne pas faire brusquement sauter le pas à ceux qui s’en vont. Il vaut mieux en finir d’un coup que de savourer longtemps la mort dans sa tristesse, que d’être rongé par la douleur. Donc, ils vous expédient les gens de diverses manières. Mais ne les accusez pas d’y mettre de sensiblerie !

L’individu qui se permet d’être malade pendant plus de sept jours, est admonesté sérieusement par ses proches, qui, lui passant une corde au cou, se mettent à courir vivement autour de la maison. S’il tombe, tant pis ! On le traînera par les ronces et les cailloux, hop, hop ! — Guéris ou crève ! Après une demi-heure de ce traitement il est mort ou se déclare guéri. Si pourtant il hésite encore, on le pousse ou on le porte au cimetière, où il est incontinent lapidé ou piqué de manière à ne plus broncher. Sur son cadavre on lâche des chiens qui le dévorent, et