Me deffendre que je vous aime,
C’eſt attenter deſſus vous méme ;
Malgré vous je vous ſerviray.
Rarement la Jeuneſſe est ſage ;
Quand vous ſerez un peu ſur l’âge,
Alors je vous obeiray.
MADRIGAL.
Tirſis d’un excez de plaiſir,
Eſtoit ſur le point de mourir
Entre les bras de Filis qu’il adore,
Quand Filis que l’Amour range ſoûs méme loy,
Et que le méme feu devore,
Luy dit, ah ! mon Tirſis, ah ! ne meurs pas encore,
Je veux mourir avecque toy.
Tirſis alors ſuspend l’envie,
Qu’il avoit de perdre la vie ;
Mais par cette contrainte il ſe met aux abois,
Et n’oſant pas mourir il ſe meurt mille fois ;
Cepandant lors qu’au ſein de cette jeune Amante,
Le Berger à longs traits boit l’Amoureux poiſon,
Elle qui ſent dejà qu’elle entre en pâmoiſon,
D’un régard languiſſant, & d’une voix tremblante,
Luy dit, mon unique ſoucy,
Meurs, mon Tirſis ; car je me meurs auſſi,
Soudain ce Berger tout en flâme,
Luy répond, comme toy je me meurs, je me pâſme.
Ainſi dans les raviſſemens,
Moururent ces heureux Amans ;
Mais d’une mort ſi douce & ſi digne d’envie,
Que pour mourir encor ils reprirent la vie.