Page:Recueil général des anciennes lois françaises, tome 17.djvu/22

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Le prince de Conde premier prince du sang a approuvé la générosité du duc d’Orléans oncle du roy, qui a témoigné être non-seulement utile, mais nécessaire pour le bien et gouvernement de l’Etat, dans lequel les affaires ne succèdent jamais lorsque l’autorité est partagée : déclarant qu’il est de même sentiment, ainsi qu’il l’avoit l’ait entendre aux députez du parlement lorsqu’il saluèrent le roy au dernier jour dans le Louvre.

Après quoi ledit sieur chancelier se leva de sa place, et ayant monté vers ledit seigneur roy, et mis le genoüil en terre pour recevoir le commandement de parler, retourna en sa place, et adressant ta voix, à la compagnie, il dit :

« Messieurs, si la plus grande marque de la colère de Dieu contre un peuple, est de lui donner un mauvais prince ; celle-là sans doute n’est pas guère moindre de lui en ôter un extrêmement bon. Quand je songe à la perte que la France vient de faire, et cet accident funeste qui lui a ravi son prince, cette pensée remplit avec raison mon esprit d’étonnement et mon cœur d’une douleur sans mesure. Ce prince qui faisoit trembler il y a huit jours toute l’Europe sous sa puissance, qui soutenoit la grandeur de cette monarchie avec tant de gloire, n’est plus : ce pieux et invincible monarque, qui a été tant aimé de Dieu, qui l’a rendu la merveille des rois, l’instrument de ses grâces pour la France, a été enlevé par

    de son mari par un arrêt du parlement de Paris. Ce corps, long-temps opposé à la cour, et qui avoit à peine conservé sous Louis XIII la liberté de faire des remontrances, cassa le testament de son roi avec la même facilité qu’il auroit jugé la cause d’un citoyen. Anne d’Autriche s’adressa à cette compagnie pour avoir la régence illimitée, parce que Marie de Médicis s’était servie du même tribunal après la mort de Henri IV ; et Marie de Medicis avoit donné cet exemple, parce que toute autre voie eût été longue et incertaine ; que le parlement, entouré de ses gardes, ne pouvoit résister à ses volontés, et qu’un arrêt rendu au parlement et par les pairs sembloit assurer un droit incontestable. L’usage qui donne la régence aux mères des rois parut donc alors aux Français une loi presque aussi fondamentale que celle qui prive les femmes de la couronne. La parlement de Paris, ayant décidé deux fois cette question, c’est à-dire, ayant seul déclaré par des arrêts ce droit des mères, parut en effet avoir donné la régence. Il se regarda, non sans quelque vraisemblance, comme le tuteur des rois, et chaque conseiller crut être une partie de la souveraineté. (Voltaire, Siècle de Louis XIV.) Le parlement annula, sans le dire, la partie de la déclaration du testament du roi qui avoit établi des limites à l’autorité de la régente. La renonciation de tous ceux qui y etoient nommés à l’autorité dont elle les investissoit avoit rendu la tâche du parlement facile. La difficulté avoit été d’obtenir cette renonciation de Gaston et du prince de Condé.