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Tous les maîtres ont conseillé d’étudier la nature et sont d’accord là-dessus ; mais ils ont différé dans les moyens à donner pour le faire parce qu’ils étaient tous différents.



Pour une conférence faite en Hollande à l’occasion d’une exposition de ses œuvres (Janvier 1913).

Ce ne sont pas ici des souvenirs que je donne, mais des avis sur moi, des aveux, des témoignages, à seule fin si possible de faire indirectement jour sur mon art. Je le lui dois. Bien que j’en connaisse les défauts et les faiblesses, j’en ai le respect. Il m’est revenu de sa signification et de sa portée sur l’esprit de quelques-uns des échos si touchants, si sérieux, inattendus, éveillant aussi ma surprise, que je ne fais que participer à son expansion en m’occupant encore de lui par la plume, et en tâchant de projeter sur l’esprit de quelques autres, un peu plus loin, quelque chose encore du premier effet.

Et soyez assuré que j’écris ici impassionnellement, sans rien d’altier, rien de ma personne, mais avec le désir de la soustraire. Je ne voudrais pas me départir de la réserve et retenue qu’il est bienséant de garder en parlant d’un art où l’on est en cause. Tout n’est pas vanité chez celui qui accepte ses propres dons avec curiosité reconnaissante, et sans aucune envie de ceux des autres : il se soumet docilement aux soins de la culture de ses facultés pour le plaisir d’en recueillir les fruits, et de les partager avec ceux qui les attendent et les aiment. Je poursuis donc le cours de ce récit pour eux, pour ceux qui m’approuveront dans la tâche et qui sauront voir aussi qu’elle est toute simple.

Lorsque je produisais autrefois des dessins et des lithographies, et que je publiais celles-ci, j’ai reçu bien des fois des lettres d’inconnus me disant leur attachement à cet art, et me