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à la Gironde . L’un de ses articles consacré aux Centaures, d’Eugène Fromentin, lui valut une lettre de celui-ci dont la conclusion est très élogieuse : « Si je n’étais pas aussi directement en cause, je vous demanderais la permission de vous dire, à mon tour, combien je trouve original et hardi le point de vue où vous placez la critique et à quel point j’apprécie le talent que vous y déployez. »

Dans un autre article daté du 31 mai 1868, Odilon Redon décrit les œuvres nouvelles qu’il a remarquées au Salon, et les artistes dont il parle sont Courbet, Manet, Pissaro, Jongkind, Monet : ce jeune écrivain savait reconnaître les élus et, s’il avait persévéré dans la critique, il y eût tenu une place éminente et contribué par la justesse de ses jugements à mettre en valeur les meilleures œuvres de son temps.

Mais il appartenait à son art et, comme il l’a dit : « On ne fait pas l’art qu’on veut… » Il devait réaliser l’œuvre dicté par sa sensibilité profonde. Il fut un créateur au lieu de n’être qu’un critique. Ce n’est pas en vain cependant qu’on prend l’habitude de noter sur le papier des réflexions. Odilon Redon, dès qu’il avait du loisir, continuait à prendre des notes. Mme  Odilon Redon a pieusement recueilli les nombreux carnets où il cherchait à donner une forme à ses impressions personnelles. Il avait l’intention de les mettre en ordre et d’en faire un livre. Déjà, à la demande de ses amis de Hollande, si fervents dans leur admiration et dont l’amitié lui était si douce, il avait voulu, en 1898, expliquer les origines de son art. Plus tard, à l’occasion d’une conférence faite sur son œuvre par Edmond Picard, à Bruxelles, il écrivit d’autres souvenirs ou plutôt, comme il le dit lui-même, des confidences, des aveux, des témoignages. Ce sont des notes analogues qui sont éparses dans les carnets, tantôt avec une date, tantôt sans indication aucune. Quelquefois une réflexion