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iii
préface

plutôt qu’il ne la fixe en contours précis. C’est même un des rares côtés par où Michelet fait souvenir qu’il est un historien et c’est ce qui l’amène à emprunter assez volontiers aux époques et aux peuples dont il traite le langage qui leur est spécialement approprié, pour nous les mieux présenter.

Il s’est montré autoritaire et absolu, comme il fut en politique et en philosophie, incapable, ici, d’une concession, là, d’un euphémisme. Sur le chapitre de la franchise, il se rapproche singulièrement de l’idéal d’Alceste, idéal dont on peut se demander s’il doit s’appeler brutalité ou candeur.

Il y a, somme toute, entre ces trois préoccupations, parallélisme absolu, au point qu’elles doivent aboutir pratiquement à un même résultat : la plus grande largeur d’idées.

Le lexique de Michelet ne pouvait pas ne pas être le domaine de la liberté. La démocratie des mots que prônait Hugo, et qu’il a appliquée en somme assez timidement, à la façon de ces bourgeois artistes portés à n’entrevoir l’aurore des révolutions qu’à travers un atelier de peintre ou une rampe d’opéra-comique, Michelet, lui, l’a réalisée simplement, sans phrases, avec sa conviction tranquille d’homme du peuple sincèrement libéral. Donc, pas de catégories lexicologiques ; pas de mots nobles ; pas de mots prétendus familiers. Avec l’impartialité la plus absolue, il usera des uns comme des autres au moment précis où il en aura besoin, et sans se préoccuper le moins du monde d’encourir le reproche d’archaïsant ou de novateur. Le dictionnaire de l’Académie ne figure pas parmi ses sources, et il n’a jamais songé à faire la différence entre ce qui « s’écrit » et ce qui « ne s’écrit pas ».

Telles sont les considérations qui m’ont conduit à relever dans l’Histoire de Michelet certains emplois[1] (je ne dis pas tous les emplois, mais ceux qui m’ont semblé les plus significatifs de ce libéralisme en matière de vocabulaire). Les listes qui suivent n’ont d’autre intérêt que d’apporter quelques faits à l’appui de ces considérations générales.

Paris, février 1923.
  1. Les ouvrages qui ont fourni les mots qui suivent sont : le Précis d’Histoire moderne, l’Histoire romaine, le Moyen âge, la Révolution française, l’Histoire de la Renaissance et des Temps modernes.