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Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/18

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La Petite Fille.

Elle dit qu’il y a quelquefois des paroles un peu libres ; mais ce qui me fait endêver, c’est qu’elle ne laisse pas d’y aller tous les jours.

Thalie.

Il y a tout plein de mères de ce naturel-là ; ce sont des affamées qui n’en veulent que pour elles.

Apollon.

Je ne sais pas quels peuvent être ces mots libertins qui effarouchent tant la maman. Pour moi, je n’y vois que des mots tout pleins de sel, qui, à la vérité, sont quelquefois à double entente ; mais les plus belles pensées du monde ont deux faces : tant pis pour ceux qui ne les prennent que du mauvais côté ; c’est une vraie marque de leur esprit corrompu et vicieux. Mais ne vous a-t-elle pas dit quelques uns de ces vilains mots-là ?

La Petite Fille.

Oh, dame ! Elle ne les dit devant moi qu’à bâtons rompus : elle dit seulement que les Italiens sont des drôles qui nomment toutes les choses par leurs noms. Par exemple, elle dit qu’ils appellent un homme marié… d’un certain mot que je n’oserois dire.

Thalie.

Cocu, peut-être ?

La Petite Fille.

Vous l’avez dit.

Apollon.

Et votre mère se scandalise de ce mot-là ?

La Petite Fille.

Assurément. Oh, dame ! C’est qu’elle dit que c’est une injure qui regarde autant mon papa que les autres.

Thalie.

C’est que votre mère ne sait pas sa langue. Dans le