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Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/26

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Pierrot.

C’est que le mariage ne sied point à une carcasse décharnée comme la vôtre ; et tout franc, vous êtes trop vieux pour faire souche.

Roquillard.

Sais-tu bien que dans la famille des Roquillards les mâles n’entrent en vigueur que vers les soixante-dix ans ? Quand mon père me fabriqua, il en avoit septante-quatre, et ma mère octante-huit.

Pierrot.

On voit bien, monsieur, que vous avez été engendré de deux vieilles rosses ; vous avez des salières sur les yeux à y fourrer le poing.

Roquillard.

Tais-toi ; j’ai autre chose en tête que de répondre à tes sottises. C’est ma fille Isabelle que je veux marier aujourd’hui.

Pierrot.

Oh ! Pour ce mariage-là, j’y baille mon autorité, et le plus tôt c’est le meilleur : il ne faut pas garder une fille passé quinze ans ; il y a trop de déchet, et cette monnaie-là est diantrement sujette au décri.

Roquillard.

Tu vois aussi que je mets les fers au feu. J’attends journellement un gentilhomme de campagne, un docteur, un major et un comédien françois, tous partis sortables pour ma fille, selon qu’il m’a été raconté ; car je ne les ai point encore vus.