Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/49

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théâtre, c’est que je n’ai point de mémoire. Par exemple, Colombine, si j’aimois un homme aujourd’hui, je crois que je ne m’en souviendrois pas demain.

Colombine.

La plupart des femmes sont comme vous : mais ce défaut de mémoire est une marque de leur jugement ; car les hommes d’à présent ne méritent pas qu’on les aime plus de vingt-quatre heures. Mais Octave va venir ; je vais me retirer. N’aurez-vous point peur de rester toute seule avec lui ?

Isabelle.

Bon, bon ! Tu te moques, Colombine. Est-ce que je suis un enfant ? À l’âge que j’ai, on ne craint plus rien.

Colombine.

Je sois aussi âgée que vous, et un tête-à-tête ne laisse pas quelquefois de me faire trembler. Un jeune homme veut vous persuader qu’il vous aime ; il se jette à vos genoux, il vous prend les mains. Quand une fille a les mains prises, elle ne sauroit pas bien se revancher.

Isabelle.

D’accord, Colombine ; mais on peut crier.

Colombine.

Et si le jeune homme vous ferme la bouche d’un baiser, où en êtes-vous ? Enfin, vous voulez bien en courir les risques, je m’en lave les mains.

Isabelle.

Que veux-tu ? Puisque je suis destinée à être co-