Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/351

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Araminte

Je suis au désespoir de cette circonstance ;
Et voilà des valets I’ordinaire imprudence !
Toujours mal à propos ils viennent vous trouver.

Le Chevalier

Mon songe n’est pas fait, et je veux l’achever.

Araminte

D’accord. Mais je voudrois que, pour vous satisfaire,
Votre bonheur toujours ne fût pas en chimère,
Et qu ? un heureux hymen, entre nous concerté,
Pût donner à vos feux plus de réalité.
Mais j ? en crains le retour : dans le siècle où nous sommes,
Le dégoût dans l’hymen est naturel aux hommes ;
Et la possession souvent du premier jour
Leur ôte tout le sel et le goût de l’amour.

Le Chevalier

Ah, madame ! Pour vous mon amour est extrême :
Je sens qu’il doit aller par-delà la mort même ;
Et si, par un malheur que je n’ose prévoir,
Votre mort… Ah, grands dieux ! Ciel affreux désespoir !
Mon âme, en y pensant, de douleur possédée…

Araminte

Rejetons loin de nous cette funeste idée ;
Et, pour mieux célébrer le plaisir du retour,
Je veux que nous dînions ensemble dans ce jour.
J’ai fait, dès ce matin, inviter une amie,
Et vous augmenterez la bonne compagnie.

Le Chevalier

Madame, cet honneur m’est bien avantageux.