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Page:Reichenbach - Experience and Prediction.djvu/262

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248 CONSTRUCTION OF THE WORLD

§ 27. La soi-disant incomparabilité des expériences psychiques de différentes personnes

Appliquons nos résultats concernant la psychologie à un problème qui se pose dans ce domaine et qui est fréquemment discuté en philosophie.

Il y a quelque chose dans notre expérience, dit-on, qui n’est accessible qu’à nous-mêmes et qui ne peut être communiqué à d’autres personnes. Nous voyons la couleur rouge, nous sentons la chaleur, nous goûtons le sucré, mais nous ne pouvons pas dire comment nous le voyons, le sentons ou le goûtons. D’autres personnes nous disent qu’elles voient aussi le rouge, qu’elles ressentent la chaleur et qu’elles goûtent le sucré ; mais nous ne pouvons jamais comparer ces sensations avec les nôtres, et nous ne savons donc pas si elles sont identiques. Il y a de ce fait un résidu inexprimable dans notre expérience. C’est l’un des arguments les plus fréquemment utilisés en faveur de l’existence d’un monde psychique particulier à l’intérieur de chaque personne ; ce monde est supposé n’être connu que de chaque personne et ne pas être accessible aux autres.

Analysons cette situation. Il est vrai, dans un certain sens, que les impressions de différentes personnes ne peuvent pas être comparées directement. Imaginons un homme qui voit vert quand je vois rouge, et rouge quand je vois vert — pourrions-nous jamais le savoir ? Un esprit non formé à la philosophie pourrait peut-être objecter que cet homme serait en conflit permanent avec le code de la route lorsqu’il conduit une automobile, qu’il traverserait la rue au feu rouge et s’arrêterait au feu vert — mais bien sûr, c’est totalement faux. Cet homme a appris que la couleur qu’il voit lorsque le feu est rouge signifie qu’il faut s’arrêter, que cette couleur s’appelle « rouge », etc… ; toutes ses réactions correspondront donc entièrement à celles d’un homme aux impressions « normales ». Il n’y a aucune possibilité de détecter l’anormalité de cet homme.

Ce fait, cependant, n’est qu’une indication que la comparaison envisagée constitue un pseudo-problème. Ni l’un ni l’autre