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Page:Reichenbach - Experience and Prediction.djvu/274

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260 CONSTRUCTION OF THE WORLD

de la pièce, nous dit qu’il ne la voit pas. Nous racontons des choses vues en rêve et apprenons que d’autres personnes ne les ont pas vues. Nous constatons ainsi que notre description du monde physique diffère à certains égards de celle d’autres personnes. L’ensemble des faits auxquels nous nous référons ici est le même que celui exprimé par l’idée que le monde immédiat est directement accessible à une seule personne. C’est l’ensemble de ces faits qui est compris par l’abstractum « ego ». Nous disons : « Je vois la voiture dans la rue », et nous signifions par là que la chose « voiture » est accompagnée d’autres phénomènes tels que ressentir de la joie dans la ligne élégante de la voiture, ou ressentir de la faim dans notre estomac ; en disant « je », nous voulons ajouter que nous savons bien que pour d’autres personnes la voiture peut être accompagnée de phénomènes tout à fait différents. C’est la découverte empirique de la différence entre le monde subjectif et le monde objectif qui est exprimée par l’emploi du « je ». Cette distinction est entrée dans la grammaire du langage, et maintenant le langage en est tellement imprégné que nous ne pouvons pas nous en libérer et que nous l’indiquons dans presque toutes les phrases. Notre description précédente n’en est pas exempte. Nous avons décrit, quelques lignes plus haut, les faits qui ont conduit à la découverte de l’ego, et nous avons dit : « Nous sommes à la fenêtre et nous voyons une voiture… une autre personne… nous dit….. » Ainsi, dans cette description, nous avons déjà utilisé le langage de l’ego que nous voulions étayer. Il ne s’agit cependant pas d’une contradiction ou d’un cercle vicieux. Nous n’avons utilisé le langage habituel de l’ego que pour être mieux compris. Nous aurions pu donner la même description en parlant un langage neutre. Le langage neutre original ne dit pas « je vois » mais « il y a » ; ce n’est que parce que nous entendons qu’une autre personne répond « il n’y a pas » que nous nous retirons vers l’affirmation plus modeste « je vois ».

C’est la transition épistémologique vers l’impression