Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/106

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mes lèvres. Il ne m’aurait pas trahi, j’en avais la certitude, mais à condition que je renoncerais à mon dessein ; et je n’avais pas le courage de demander un avis que je savais d’avance opposé à mes désirs.

On soupa ; j’allai me coucher comme à l’ordinaire. Vous supposez que je fus debout peu de temps après, et que je m’échappai pendant la nuit ; vous vous trompez ; je ne quittai mon lit qu’au moment où chacun se levait d’habitude. Je n’avais pas fermé l’œil ; les pensées qui se pressaient dans ma tête m’avaient empêché de dormir ; et je rêvais tout éveillé, de grands vaisseaux ballottés sur les vagues, de grands mâts touchant les nues, de cordages goudronnés que je maniais avec ardeur, et qui me brisaient les doigts, et les couvraient d’ampoules.

J’avais d’abord songé à m’enfuir pendant la nuit, ce que je pouvais faire aisément sans réveiller personne. De temps immémorial on ne se rappelait pas qu’un vol eût été commis dans le village, et toutes les portes, même celle de la rue, n’étaient fermées qu’au loquet. Cette nuit-là, surtout, rien n’était plus facile que de s’échapper sans bruit ; mon oncle, trouvant la chaleur étouffante, avait laissé notre porte entr’ouverte, et j’aurais pu sortir sans même la faire crier.

Mais après mûres réflexions, car j’avais plus de jugement qu’il n’est ordinaire à mon âge, je compris