Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/136

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d’une heure qu’ils sont allés trouver leurs hamacs, et les voilà qu’ils retravaillent ! c’est un singulier navire ! Peut-être la moitié de l’équipage a-t-elle dormi pendant que l’autre veillait ; et ce sont probablement ceux qui ont fini leur somme qui viennent relever leurs camarades. »

Cette conjecture me laissa l’esprit en repos. Mais il m’était impossible de me rendormir, et je continuai de prêter l’oreille.

Jamais nuit de décembre ne m’avait paru plus longue ; les hommes continuaient leur travail ; ils se reposaient pendant une heure, se remettaient à l’ouvrage et le jour ne paraissait pas.

Je commençai à croire que je rêvais, que je prenais les minutes pour des heures. Mais j’avais alors un appétit féroce ; car à trois reprises différentes j’étais tombé sur mes provisions avec une faim qui les avait épuisées.

Tandis que je finissais d’avaler mon biscuit et mon fromage, le bruit cessa complétement ; j’écoutai, rien ne frappa mes oreilles, et je m’endormis au milieu du silence le plus complet.

Le navire était bruyant quand je m’éveillai ; mais d’une manière bien différente. C’était le cric-cric-cric d’un tourniquet, joint au cliquetis d’une chaîne, dont le bruit m’emplissait d’aise. Vous comprenez ma joie : du petit coin où je me trouvais à fond du cale, tout cela ne m’arrivait qu’affaibli par la distance,