Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/15

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ce goût qui était dans la famille. Toujours est-il que j’avais pour l’eau un amour aussi passionné que si elle eût été mon élément. On m’a dit plus d’une fois combien il fut difficile de m’éloigner des mares et des étangs dès que j’eus la force de me traîner sur leurs bords. C’est en effet dans une pièce d’eau que m’est arrivée ma première aventure ; je me la rappelle fort bien, et je vais vous la conter pour vous donner une preuve de mes penchants aquatiques.

J’étais, à cette époque, un tout petit garçon, juste assez grand pour courir de côté et d’autre, et à l’âge où l’on s’amuse à lancer des bateaux de papier. Je construisais mes embarcations moi-même avec les feuillets d’un vieux livre, ou un morceau de journal, et je portais ma flotille sur la mare qui était mon océan. Je ne tardai pas néanmoins à mépriser le bateau de papier ; j’étais parvenu, après six mois d’épargne, à pouvoir acquérir un sloop ayant tous ses agrès, et qu’un vieux pêcheur avait construit pendant ses moments de loisir.

Mon petit vaisseau n’avait que quinze centimètres de longueur à la quille, mais bien près de huit de large, et son tonnage pouvait être de deux cent cinquante grammes. Chétif bâtiment, direz-vous ; néanmoins il me paraissait aussi grand, aussi beau qu’un trois-ponts.

La mare de la basse-cour me sembla trop étroite,