Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/169

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Ne soyez pas surpris de me voir livré à cet étrange calcul ; songez à la position où je me trouvais, et qui ne me permettait pas d’avoir d’autre idée que celle de la mort.

Le premier résultat de mes réflexions fut d’éliminer la soif ; je venais d’en subir les tortures, et je savais par expérience que de toutes les manières de quitter ce monde, c’est l’une des plus affreuses. Restaient la faim et le poignard. Je les pesai longtemps, en les comparant l’une à l’autre, sans savoir auquel des deux accorder la préférence. Malheureusement j’étais dépourvu de tout principe religieux ; à cette époque, je ne savais même pas que ce fût un crime d’attenter à ses jours, et cette considération n’entrait pour rien dans mes pensées ; la seule chose qui me préoccupait était, comme je l’ai dit plus haut, de choisir le genre de mort qui devait être le moins pénible.

Il faut cependant que le bien et le mal soient instinctifs ; malgré mon ignorance de païen, une voix intérieure me disait qu’il était coupable de se détruire, alors même que le supplice vous sauvait du supplice.

Cette pensée triompha dans mon âme, et rappelant tout mon courage, je pris la résolution d’attendre les événements, quelle que pût être la date que Dieu eût fixée pour mettre un terme à mes souffrances.