Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/232

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Dans ce combat rapide, c’était mon adversaire qui avait eu la victoire. À l’effroi qu’il m’avait causé, se joignait une blessure qui devenait de plus en plus douloureuse, et par où coulait mon sang.

J’aurais encore supporté ma défaite avec calme, en dépit de la douleur ; mais ce qui me préoccupait, c’était de savoir si l’affreuse bête avait fui pour toujours, ou si, restant dans le voisinage, elle reviendrait à l’assaut.

L’idée qu’elle allait reparaître, furieuse qu’on l’eût arrêtée dans sa course, et enhardie par le succès, me causait un malaise indicible.

Cela vous étonne mais rien n’était plus vrai. Les rats m’ont toujours inspiré une profonde antipathie, je pourrais dire une peur instinctive. Ce sentiment était alors dans toute sa force ; et bien que, depuis cette époque, je me sois trouvé en face d’animaux beaucoup plus redoutables, je ne me souviens pas d’avoir éprouvé une terreur pareille à celle que j’ai ressentie au contact du rat. Dans cette occasion, la crainte est mêlée de dégoût ; cette crainte elle-même n’est pas dépourvue de sens : je connais bon nombre de cas authentiques où les rats ont attaqué des enfants, voire des hommes ; et il est avéré que des blessés, des infirmes ou des vieillards ont été dévorés par ces hideux omnivores.

J’avais entendu raconter beaucoup de ces histoires dans mon enfance, et il était naturel qu’elles me