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Page:Reid - Le Cheval sauvage, 1888.djvu/60

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LE CHEVAL SAUVAGE.

déclin, mais une peau de buffle attachée à deux piquets empêchaient ses rayons de tomber sur moi. J’étais étendu sur ma couverture, ma tête reposait sur ma selle, et une seconde peau de buffle me couvrait les jambes ; à proximité de moi flambait un feu devant lequel j’aperçus très distinctement deux hommes. L’un était debout, appuyé sur son fusil, les yeux fixés sur la flamme. C’était le type du chasseur des prairies. Il avait au moins six pieds de haut, le corps robustement charpenté, la physionomie énergique, mais pleine de bonté. L’autre était assis sur une souche, le visage tourné vers moi. Il s’occupait d’achever son repas en mangeant à petites bouchées une tranche de viande qu’il venait sans doute de faire rôtir. Son costume se composait d’une espèce de blouse, d’une culotte, de guêtres, le tout en peau de daim, sale, crasseux, couvert de boue. Sa peau, qu’on voyait paraître à travers plusieurs trous de ses vêtements, avait l’air tannée. Il n’avait pas de chemise, et sa coiffure consistait en un bonnet de peau de chat dont la couleur s’harmonisait avec le reste de son accoutrement. Ses traits dénotaient qu’il ne devait pas être loin de la soixantaine. Ils étaient fort expressifs : le nez en bec d’aigle ; les yeux petits, noirs, perçants ; les cheveux ras, d’un noir de jais, les oreilles — chose étrange — complètement absentes. J’avais vu cet homme, bien des années auparavant, tel que je le voyais en ce moment. La première fois que mon regard l’avait rencontré, je l’avais aperçu assis exactement dans la même attitude, près d’un feu de bois, faisant rôtir sa viande et la mangeant. Je le reconnus tout d’abord : c’était le vieux Ruben, un des plus fameux chasseurs de la prairie. Son compagnon, plus jeune que lui, s’appelait Bill Garey. Tous deux, également ardents et habiles à la chasse, étaient inséparables.