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LE CHEVAL SAUVAGE.

— Prenez une gorgée d’eau-de-vie, dit l’autre en approchant sa gourde de mes lèvres.

— Je vois que vous vous souvenez de nous, continua Ruben.

— Parfaitement, mes amis, parfaitement.

— Et moi aussi je ne vous ai pas oublié, dit Garey ; vous m’avez un jour sauvé la vie, et ces services-là ne s’effacent point de la mémoire.

— Je crois que vous m’avez bien rendu la pareille, répondis-je, vous m’avez débarrassé de cet ours.

— De l’un des ours, oui, dit Ruben ; mais vous avez réglé vous-même le compte de l’autre. Il vous a fallu jouer rudement du couteau, avant que le gaillard ait perdu la partie. Heureusement pour vous, nous sommes arrivés juste à temps pour vous délivrer de l’autre.

— Comment ! de l’autre ! Il y en avait donc deux ?

— Regardez de ce côté ! voilà deux peaux, si je ne me trompe.

Je suivis le geste du trappeur, et près du feu je vis en effet deux fourrures d’ours fraîchement écorchés.

— Mais je n’ai eu affaire qu’à un seul ? dis-je.

— Et c’était bien assez, répliqua Ruben. Il n’y a pas beaucoup d’hommes qui demeurent en vie après une querelle vidée avec le vieil Ephraïm.

— J’ai donc tué l’ours ?

— Eh ! oui, jeune homme ; et vous pouvez vous flatter d’avoir fait la besogne tout seul. Quand Bill et moi nous sommes accourus à votre secours, il n’y avait plus à tirer un coup de fusil. L’ours était mort, aussi mort que son patron, le deuxième fils de Joseph. Mais vous ne valiez pas beaucoup mieux. Vous étiez tous deux également immobiles, vos bras étreignant le monstre, ses pattes vous étouffant, votre sang se confondant et formant autour de vous une mare de plusieurs yards de long. Vous n’aviez positivement plus