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DIDEROT.


parer de son grand nom ; vouloir l’imiter, l’atteindre, l’effacer et ne vouloir plus se remuer ; lion à la menace, poule à l’exécution, aigle de tête, tortue et belle écrevisse de pieds ; au demeurant, le meilleur enfant du monde.

Revenez maintenant au Rameau du café de la Régence : c’est les mêmes cabrioles et les mêmes farces, la même succession de discours graves, débités « d’un ton sérieux et réfléchi », le doigt sur le front « où pourtant il y a quelque chose », et de paradoxes dévergondés, accompagnés de gestes cyniques ; là aussi, racontant une anecdote, celle du Renégat d’Avignon, il fait rêver « à l’inégalité de son ton, tantôt haut, tantôt bas », et là aussi, après avoir chanté l’ouverture des Indes galantes et l’air Profonds abîmes, il voudrait avoir écrit « ces deux morceaux-là » et être son oncle, « marchant la tête droite, et l’air satisfait et ronflant comme un grand homme ». Puis, le même dégoût le prend : « Un musicien, un musicien ! quelquefois je regarde mon fils en grinçant les dents et je dis : « Si tu devais jamais savoir une note, je crois que je te tordrais le cou ! » Diderot enfin, comme Piron, restant confondu « de tant de sagacité et de tant de bassesse, d’idées si justes et alternativement si fausses, d’une perversité si générale de sentiments, d’une turpitude si complète et d’une franchise si peu commune », voudrait se fâcher et s’indigner, « mais chaque fois la colère qui s’élève au fond de son cœur se termine par un éclat de rire ».

Le Neveu de Rameau est donc un portrait et, pour