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DIDEROT.


serait facile de faire un roman » ; de là, sur le Fils ingrat, le Fils puni, la Mère bien-aimée, tous ces petits récits, alertes et parfumés d’émotion, qui sont devenus bien supérieurs à leurs modèles. Pour vif que soit le charme de ces histoires si joliment contées, le genre d’anecdotes qu’elles célèbrent glisse vite vers un peu de niaiserie. Devant un tableau de Le Prince : « Portrait d’une jeune fille quittant les jouets de l’enfance pour se livrer à l’étude », il s’impatientera lui-même : « Tableau médiocre, mais excellente leçon pour un enfant ! » Il y a donc trop de Berquin dans cet émule de Crébillon le fils, et quel Berquin au surplus qui, même en pleine vertu, reste vicieux et libertin ! Écoutez-le devant la Mère bien-aimée : « Cela est excellent et pour le talent et pour les mœurs. Cela prêche la population et peint très pathétiquement le bonheur et le prix inestimable de la paix domestique. Cela dit à tout homme qui a de l’âme et des sens : Entretiens ta famille dans l’aisance, fais des enfants à ta femme, fais-lui en tant que tu pourras, n’en fais qu’à elle et sois sûr d’être bien chez toi ! » Où la vertu va-t-elle se loger ? Évidemment cet honnête et familial libertinage donne une idée très exacte de Greuze dont le dessin, dans ces douces scènes domestiques, caresse trop savamment, sous les mouchoirs de batiste et les fins corsages d’indienne, les contours onduleux et les formes arrondies. Dans le poème de la jeune fille qui pleure son oiseau mort, Diderot encore ne traduit pas avec moins de fidélité la toile de boudoir où la