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PHILOSOPHIE.


de l’inceste, de la prostitution et de la promiscuité des sexes, qu’est-ce à dire, en effet, sinon qu’à soumettre à la matière l’ordre moral tout entier, il a supprimé cet ordre moral lui-même ? À la place de l’harmonie organisée par une raison à la fois supérieure et antérieure aux êtres qui la reçoivent, rien ne subsiste qu’un chaos, le pêle-mêle inextricable et confus du bien et du mal qui cessent d’être des entités pour n’être plus que des mots à sens variable. Étrange et lamentable contradiction ! Diderot, dans le domaine des formes, a salué et proclamé le Beau, qu’il a défini « tout ce qui contient en soi de quoi réveiller des rapports dans notre entendement » ; et quand il passe du domaine des formes à celui des idées, la notion du Devoir, si semblable cependant à celle du Beau, fuit et s’évanouit devant lui ; il ne distingue plus entre le bien et le mal et il se persuade que « la nature ne s’en soucie pas, n’étant qu’à deux fins, la conservation de l’individu et la propagation de l’espèce ».

Il admet, sans doute, parce qu’il en comprend l’intérêt social, quelques-unes des obligations des hommes les uns envers les autres : « Si l’on suppose, écrit-il dans l’Encyclopédie, des êtres créés de façon qu’ils ne puissent subsister qu’en se soutenant mutuellement, il est clair que leurs actions sont convenables ou ne le sont pas à proportion qu’elles se rapprochent ou qu’elles s’éloignent de ce but. » Mais les devoirs des hommes envers eux-mêmes ne sont qu’affaire de convention ou de préjugé et il professe