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DIDEROT.


tale se tait pendant des siècles entiers ; « puis tout à coup, (avec Newton), elle montre le prisme et dit : La lumière se décompose. »

Non point qu’il faille faire fi de « cet esprit de divination par lequel on « subodore », pour ainsi dire, des procédés inconnus, des expériences nouvelles et des résultats ignorés ». L’esprit de conjecture a d’autres droits et d’autres limites. La grande habitude de faire des expériences donne, en effet, même aux manœuvriers les plus grossiers, « un pressentiment qui a le caractère de l’inspiration » et qu’il ne tiendrait qu’à eux d’appeler, comme Socrate, le démon familier. Mais c’est cette divination précisément qu’il importe de contrôler selon des règles sévères.


Quand donc l’on a formé dans sa tête un de ces systèmes qui demandent à être vérifiés par l’expérience, il ne faut ni s’y attacher opiniâtrement ni l’abandonner avec légèreté. On pense quelquefois de ces conjectures qu’elles sont fausses, quand on n’a pas les mesures convenables pour les trouver vraies. L’opiniâtreté a même ici moins d’inconvénients que l’excès opposé. Jamais le temps qu’on emploie à interroger la nature n’est entièrement perdu. Les idées absolument bizarres ne méritent qu’un premier essai. Il faut accorder quelque chose de plus à celles qui ont de la vraisemblance, et ne renoncer que quand on est épuisé à celles qui promettent une découverte importante.


Dès lors, les expériences devront être répétées pendant longtemps, transportées à des objets différents, compliquées, combinées de toutes les manières possibles, contrôlées par l’épreuve de l’inversion. Évidemment il y a des phénomènes trompeurs qui