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DIDEROT.


écoles publiques de bons éléments, il faut que les grandes écoles élèvent et généralisent l’enseignement ; mais cet enseignement même doit, lui aussi, de dogmatique qu’il était, devenir pratique. Ainsi, notre Faculté de droit est misérable parce qu’on s’y occupe presque exclusivement du droit romain, belles connaissances qui seraient infiniment utiles si nous rétrogradions aux temps d’Honorius et d’Arcadius, « mais qui, sous Louis XVI, laissent un docteur aussi sot que l’habitant de Chaillot et bien plus sot que le paysan de Basse-Normandie ». « On ne lit pas dans notre Faculté un mot du droit français ; pas plus de droit des gens que s’il n’y en avait point ; rien de notre code ni civil ni criminel, rien de notre procédure, rien de nos lois, rien de nos coutumes, rien des constitutions de l’État ; rien du droit du souverain, rien de celui des sujets ; rien de la liberté, rien de la propriété. » C’est le contrepied de cette coutume que la Tsarine devra prendre dans ses réformes. Quant à la théologie, « puisque Sa Majesté Impériale n’est pas de l’avis de Bayle qui prétend qu’une société d’athées peut être aussi bien ordonnée qu’une société de superstitieux », il se résigne à conserver des prêtres et, par conséquent, les écoles où on les préparera à leur métier. Mais il croit devoir aviser l’Impératrice qu’aucun péril plus grand ne la menace que celui qui vient du clergé :


Le prêtre, lui dit-il, bon ou mauvais, est toujours un sujet équivoque, un être suspendu entre le ciel et la terre, semblable à cette figure (le ludion) que le physicien fait