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DIDEROT.


métiers. Diderot expose d’abord pourquoi il lui a paru indispensable « d’allier partout aux principes des sciences et des arts libéraux l’histoire de leurs origines et de leurs progrès successifs ». Mais si déjà « l’on a trop écrit sur les sciences », et si, encore, « l’on n’a pas assez bien écrit sur la plupart des arts libéraux », on n’a presque rien écrit sur les arts mécaniques et voici, peut-être, l’originalité la plus hardie de l’Encyclopédie. Diderot, au xviiie siècle, est, par excellence, le philosophe ; oui, sans doute ; mais il est le fils d’un coutelier de Langres et il ne l’oublie pas. Le jour donc où la fortune lui apporte l’instrument qui, poussé vigoureusement et dans le bon sens, peut et doit donner à l’esprit humain une impulsion et à la société des directions nouvelles, il met son honneur à tirer le travail manuel de l’obscurité méprisée où il était relégué depuis des siècles. Il lui rendra son rang et ses droits dans la civilisation. Il sera ainsi non pas seulement le prophète de l’industrie moderne, mais le précurseur de la démocratie elle-même.

Ce dont nous jouissons sans crainte et en toute sécurité, nous croyons l’avoir toujours possédé ; nous cessons, de jour en jour, d’en connaître le prix : c’est l’une des infirmités les plus misérables de notre nature. Le monde du travail a conquis depuis cent ans une telle place qu’il a tout simplement oublié l’époque où il était le travail servile, où l’État ne s’occupait de lui que pour le broyer sous sa meule militaire ou fiscale, où la Pensée même,