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DIDEROT.


ensuite aux artisans eux-mêmes. « qui ne se sont crus méprisables que parce qu’on les a méprisés », il les invitait à mieux penser d’eux-mêmes ; Diderot obéissait surtout à l’instinct de justice qui était en lui, et se souvenait pieusement, pour les réhabiliter, de l’atelier et de l’établi paternels. Mais, ici encore, il subissait et suivait cette force qui, toute sa vie, dans toutes les questions, le poussait vers les solutions de l’avenir et vers les soleils levants. Il ne cherche, du moins en apparence, qu’à faire pénétrer dans l’obscurité des ateliers et des fabriques la lumière qui ne s’était arrêtée, jusqu’alors, que sur les nobles sommets de la science pure et de l’art. Mais chercher à faire connaître dans leurs moindres détails les milliers d’outils qui ont élevé la pyramide de la civilisation et qui sont les instruments indispensables de l’intelligence, c’est faire connaître aussi à ceux qui les manient leurs droits, leur puissance et leur force. C’est ouvertement d’ailleurs et même très haut qu’il réclame pour les artisans et les « journaliers » une part de cette gloire dont le monopole était accaparé par les rois, les guerriers et les artistes. Écoutez comment, dans des termes qui nous sont devenus familiers, mais dont l’audace alors était singulière, il va les définir et les présenter : « Journalier, ouvrier qui travaille de ses mains, et qu’on paye au jour la journée. Cette espèce d’hommes forme la plus grande partie d’une nation ; c’est son sort qu’un bon gouvernement doit avoir principalement en vue. Si le journalier est misérable, la nation