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DIDEROT.


prit du roi », s’était mis aussitôt en campagne pour réclamer le retrait du privilège. On a vu que Diderot, en distribuant les postes de l’Encyclopédie, avait trouvé habile d’installer des abbés aux articles les plus difficiles de la théologie et de la métaphysique ; par une ironie habituelle au sort, ce fut l’un de ces paratonnerres qui alluma l’incendie. Comme M. de Malesherbes et Mme de Pompadour, qui avaient pris la défense des philosophes, croyaient avoir cause gagnée auprès de Louis XV, les Jésuites s’emparèrent de la thèse que l’abbé de Prades, qui était l’un des collaborateurs de l’Encyclopédie, venait de soutenir en Sorbonne avec l’approbation du syndic, la dénoncèrent à la faculté de théologie et, l’ayant fait condamner au feu par le parlement de Paris, attribuèrent à Diderot les hérésies de la Jérusalem céleste. Tout en soutenant contre Leibniz et Buffon la tradition littérale du déluge, l’abbé n’avait-il pas émis quelques doutes sur les trois chronologies qu’on trouve dans la Bible et qui, étant contradictoires, ne lui paraissaient pas avoir Moïse lui-même pour auteur ? L’affaire fut menée rondement ; la thèse ayant été censurée et brûlée les 28 et 29 janvier 1752 pendant que paraissait le second volume de l’Encyclopédie, un arrêt du conseil du 7 février suspendit le Dictionnaire raisonné comme « tendant à établir à la fois l’esprit de révolte et celui d’immoralité ».

Cette première campagne des Jésuites contre l’Encyclopédie avait eu ceci de particulier que les rêvé-