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DIDEROT.


patiemment sa revanche et travaillait à mettre dans son jeu, non seulement l’Église de France, mais le Parlement et, avec tout le parti dévot de la cour, toute la canaille littéraire de la ville. À l’armée de l’Encyclopédie, qui était celle de l’avenir, elle opposa une autre armée, celle du passé, non moins nombreuse et de plus en plus alarmée dans ses intérêts, et, en attendant d’avoir recours au bras séculier, engagea une guerre de plume où les ennemis de la philosophie essayèrent et réussirent parfois à retourner contre elle l’arme du ridicule. C’est l’avocat Moreau qui jette à la tête des encyclopédistes le sobriquet sanglant de Cacouacs les « méchants ». C’est le convulsionnaire en disponibilité Abraham Chaumeix qui les assomme des vingt pavés énormes de la Réfutation des auteurs impies. C’est l’abbé de Saint-Cyr avec le Catéchisme des consciences. C’est Boyer, l’une de Mirepoix, et le père Berthier. C’est les deux Pompignan, l’évêque et l’autre, l’académicien, celui qui « croit être quelque chose ». C’est Palissot, que le roi Stanislas a chassé honteusement de Nancy, mais que le ministère protège et défend contre ses adversaires à grands coups de lettres de cachet. C’est Desfontaines et Fréron. Et quand l’Encyclopédie, laborieusement arrivée à travers tant de récifs à son septième volume et à son quatrième millier de souscripteurs, essaye, dans un magnifique effort, de se redresser contre les vents déchaînés, c’est Rousseau enfin qui fait défection tout à coup et passe avec armes et bagages à l’ennemi.