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histoire de la révolution russe

individu avait été employé par le comte de Pourtalès, ambassadeur d’Allemagne à Pétrograd avant la guerre, pour acquérir des Souvorine le Novoié Vrémia et le mettre entre les mains d’Allemands ; que si les vols de Manouilov restaient impunis, c’est qu’il en partageait les bénéfices avec son patron. Une tempête de vociférations et d’injures s’éleva dans l’assemblée ; Stürmer résolut de faire arrêter Milioukov.

Une manifestation imposante l’en empêcha. Les ministres de la Guerre et de la Marine vinrent à la Douma (le 18) et serrèrent ostensiblement la main de Milioukov, au milieu d’une ovation formidable. Ils félicitèrent le chef des cadets d’avoir réclamé, au nom du pays tout entier, la guerre jusqu’à la victoire.

La situation de Stürmer était devenue d’autant plus difficile que l’Angleterre, en particulier, se plaignait très vivement de lui. Non seulement il laissait sans solution précise la question polonaise, exploitée en Pologne et au dehors contre l’Entente, mais il tenait à l’écart l’ambassadeur et ne répondait pas à ses questions. Sir G. Buchanan, qui avait révélé à Milioukov les tripotages de Stürmer avec Manouilov, fit connaître au tsar — toujours trompé et de bonne foi — les procédés discourtois de son ministre. Huit jours après (24 novembre), Stürmer était nommé chambellan et remplacé par Trepov. Celui-ci se hâta de télégraphier aux ministres de l’Entente pour affirmer la volonté de la Russie de conduire la guerre jusqu’au bout.