Page:Reinach - Histoire de la Révolution russe.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
histoire de la révolution russe

Trepov, on nomma un homme inexpérimenté, le prince N. Galitzine, qui eut beau déclarer : « Notre mot d’ordre, c’est tout pour la victoire ; » Pétrograd savait que le vrai maître du gouvernement était désormais Protopopov. Il avait, dit-on, appris les « trucs » de Raspoutine, faisait parler les tables et s’en servait pour accroître son crédit. Bientôt on amenait à la cour un autre moujik, Mitia Koliaga, plus ignorant encore que Raspoutine, qui savait à peine se faire comprendre et dont la coterie comptait user comme d’un nouvel oracle auquel on ferait dire ce qu’on voudrait.

En prévision de mouvements populaires, les gouverneurs de province reçurent, au mois de janvier, l’ordre de se montrer très sévères ; on fit venir de Crimée à Tsarskoié-Sélo un régiment de Tartares dont l’impératrice était titulaire, et le général Khovalov, connu pour sa « poigne », fut nommé commandant des troupes de Pétrograd. Le Conseil d’Empire ayant montré des velléités libérales, un ukase l’augmenta de dix-huit membres, presque tous de l’extrême droite (15 janvier). Pokrovsky, devenu gênant au Pont des Chantres, fut mis en congé pour deux mois (16 janvier). La Douma et le Conseil d’Empire furent ajournés au 25 janvier, puis au 27 février, sous prétexte que le président du Conseil avait besoin d’étudier les affaires pendantes. Ainsi s’annonçait la dictature de Protopopov.

Sur ces entrefaites, l’ambassadeur de Russie en Angleterre, le vieux comte Benckendorf, était mort à Londres. Toute la presse européenne se fit l’écho de ses dernières paroles : « Une épidémie d’aliénation mentale d’espèce mystérieuse sévit dans les milieux dirigeants de Pétrograd » (20 janvier).