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histoire de la révolution russe

d’hui cent millions. La politique industrielle et fiscale de Witte, bienfaisante à d’autres égards, a empiré la situation des cultivateurs, car pour maintenir au dehors le cours du change russe, il fallait exporter le plus de blé possible ; on en exporta tant, qu’il n’en restait plus pour ceux qui le produisaient. De là des famines périodiques, tantôt locales, tantôt générales. On pouvait envisager quatre remèdes : 1o l’amélioration des cultures, du cheptel, de l’irrigation : mais le paysan russe (il y a soixante-dix pour cent d’illettrés dans l’Empire) est pauvre, ignorant et routinier ; son éducation, à peine commencée, sera longue à faire ; 2o l’émigration en Sibérie : elle fut encouragée, mais ne remédia pas à la surpopulation ; 3o l’émigration vers les villes : elle ne s’est déjà produite que trop sous Nicolas II ; les progrès de la mécanique ne réclament pas un grand nombre de bras, mais des cerveaux bien organisés ; le prolétariat urbain est un mal qui ne doit pas être accru ; 4o le partage de terres nouvelles, appartenant soit à la Couronne, soit aux grands propriétaires : c’est ce partage que les paysans réclament et que l’autocratie leur a toujours refusé. Dans les cercles politiques, les plus avancés demandent que les terres des propriétaires soient confisquées sans indemnité, les ancêtres des paysans actuels en ayant été dépossédés au xvie siècle ; cette méconnaissance de la prescription serait un vol. D’autres ont admis le principe, posé par la Déclaration des Droits de l’Homme, de justes indemnités, ce qui implique des difficultés financières. Le Gouvernement provisoire laisse la solution de ces questions à la Constituante ; mais il doit compter (avril 1917) avec une dangereuse fermentation dans les milieux agraires. Beaucoup