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LE TABOU

l’interdiction n’est pas motivée et que la sanction prévue, en cas de violation du tabou, n’est pas une pénalité édictée par la loi civile, mais une calamité, telle que la mort ou la cécité, qui frappe l’individu coupable.

9. Le mot est polynésien, mais l’idée qu’il exprime nous est très familière ; elle l’est surtout dans les pays où l’on n’a pas encore désappris à lire la Bible. Dès le début de ce livre, Adam est averti par l’Éternel qu’il ne doit pas manger le fruit d’un certain arbre sous peine de mort ; c’est un tabou caractérisé, car l’Éternel ne dit point pourquoi Adam ne doit pas manger le fruit de l’arbre.

10. Plus loin, dans la législation religieuse des Hébreux, il est défendu, sous peine de mort, de prononcer le nom sacré de l’Éternel. Voilà un nom tabou. Un autre exemple de tabou paraît dans le second livre de Samuel (6, 4-7). L’arche d’alliance ne devait pas être touchée, sinon par les membres d’une famille privilégiée. Quand David voulut la transporter à Jérusalem, il la fit placer sur un chariot traîné par des bœufs ; ceux-ci ayant glissé, au cours du voyage, un certain Huza s’élança vers l’arche du Seigneur et la retint. A l’instant, il fut frappé de mort. C’est que l’arche était tabou et que la peine de mort est la sanction d’un tabou violé. Sous la forme qu’elle a reçue dans notre texte de la Bible, cette histoire est bien choquante, car il est dit que la colère du Seigneur s’alluma contre Huza et qu’ « il le frappa sur place pour cette faute » ; or, dans la balance de la morale d’aujourd’hui, ce n’en était pas une. Mais éliminez la notion du Seigneur ;