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Page:Reinach - Orphéus, histoire générale des religions, 1921.djvu/28

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L’ORIGINE DES RELIGIONS

dépend de la volonté. Comme il y a de multiples religions, il y a des limitations multiples, et je propose de définir la religion : Un ensemble de scrupules qui font obstacle au libre exercice de nos facultés.

6. Cette définition est grosse de conséquences, car elle élimine, du concept fondamental de la religion, Dieu, les êtres spirituels, l’infini, en un mot tout ce qu’on a l’habitude de considérer comme l’objet propre du sentiment religieux. J’ai montré qu’elle convient à la religion de la famille, à celle de l’honneur ; je vais essayer d’établir qu’elle ne convient pas moins à ce qui constitue le fond irréductible des religions.

7. Le terme scrupule a le tort d’être un peu vague et, si j’ose dire, trop laïcisé. Nous avons scrupule à parler haut dans une chambre mortuaire ; mais nous avons aussi scrupule à entrer avec un parapluie dans un salon. Les scrupules dont il est question, dans la. définition que j’ai proposée, sont d’une nature particulière ; à l’exemple de beaucoup d’anthropologistes contemporains, je les appellerai des tqbous, mot polynésien qui a reçu droit de cité dans la langue de l’ethnographie et même dans celle de la philosophie.

8. Tabou, en polynésien, signifie, à proprement parler, ce qui est soustrait à l’usage courant : un arbre qu’on ne peut toucher ou abattre est un arbre tabou, et l’on parlera du tabou d’un arbre, pour désigner le scrupule qui arrête l’homme tenté de toucher cet arbre ou de l’abattre. Ce scrupule n’est jamais fondé sur une raison d’ordre pratique, comme le serait, dans le cas d’un arbre, la crainte de se meurtrir ou de se piquer. Le caractère distinctif d’un tabou, c’est que