Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/270

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semblé physiquement, mais moralement il ne pouvait y avoir aucune sympathie entre eux. Le roi Charles-Albert avait en lui de la race, de l’élégance, tandis que la nature du roi Victor était commune. Enfant, il y avait si peu d’affinité entre son père et lui qu’il en avait une peur terrible. C’était à vrai dire un bon garçon, mais de forme et d’esprit vulgaires. Son frère, le duc de Gênes, au contraire, avait toutes les distinctions de son père. Il avait fait de très bonnes études tandis que Victor-Emmanuel n’avait jamais rien pu apprendre. Toute son éducation avait consisté à faire des armes et à monter à cheval. Le duc de Gênes, d’une jolie figure, était élégant ; Victor-Emmanuel, gros et brusque, était débraillé, domptait les chevaux les plus difficiles, sans être jamais désarçonné, et allait devant lui sans rien craindre. Tels étaient ces deux princes qui n’avaient qu’une qualité commune : la vaillance. Le Pape Pie IX appelait Victor-Emmanuel : Il batti petto !… c’est-à-dire celui qui continuellement se bat la poitrine ! Comme cela était vrai et que de choses à dire à ce sujet sur la faiblesse de caractère du roi Victor, — qui n’était pas méchant, mais qui manquait d’énergie morale. — Il avait une peur terrible de Cavour ! Il y avait des instants où il vous dévorait de son amitié, le lendemain on n’existait plus pour lui.