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MES SOUVENIRS

Pendant la violente sortie de M. de Brück, il était resté assis et avait gardé le silence. Quand le ministre autrichien eut fini, M. de Pralormo lui répondit avec calme : « Mon Dieu ! monsieur, j’ai pour habitude, quand je traite d’affaires, de compter pour rien ma personnalité et celle de mon interlocuteur, Chacun fait valoir les intérêts de son gouvernement comme il l’entend. La forme que vous employez n’est pas la mienne, mais je n’y fais aucune attention. Vous me permettrez donc de ne m’occuper que du sujet que nous traitons. Vous voulez écraser le Piémont, mais vous ne pensez pas que le Piémont n’est pas isolé, qu’il est nécessaire à l’équilibre de l’Europe, et que la France ne souffrira pas qu’il disparaisse de la carte pour avoir l’Autriche sur sa frontière des Alpes et pour perdre ses communications avec l’Italie. Vous parlez d’écraser un pays comme s’il ne s’agissait que de choses matérielles et vous comptez pour rien les millions d’hommes qu’il faudrait détruire pour arriver à ce résultat. Ce peut être chose facile à dire et à faire, mais ne comptez-vous pour rien la responsabilité qui pèse sur l’homme d’État qui est la cause de ces massacres pour les avoir ordonnés ou pour n’avoir pas fait ce qui pouvait les empêcher ? Le jour de la vengeance arrive et alors les nations maudissent