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CHAPITRE DEUXIÈME

se présentant au péristyle du palais Carignan, de manière à ce qu’elle se plaçât naturellement au fond de la voiture. Mais il arriva un jour que la voiture s’étant présentée en sens inverse, ne pensant qu’à l’étiquette et à ses droits, elle voulut forcer son mari à passer devant elle pour se mettre à sa gauche. Celui-ci se fâcha, la poussa brusquement et prit de force la place qu’elle ne voulait pas céder.

L’incident fut rapporté à Charles-Félix par Mme de Saluces, première dame de la princesse, qui racontait au roi tout ce qui se passait au palais Carignan, aigrissant quelquefois par ses propos les rapports des deux princes. Elle racontait aussi que, dans un moment d’emportement, Charles-Albert avait un jour tiré son sabre contre sa femme. On douta fort de ce récit qui fut regardé comme une invention de Mme de Saluces.

Toujours est-il que sous le règne de Charles-Félix le prince de Carignan avait à subir à la cour des humiliations de toute sorte. Quand il rencontrait un poste, on ne battait aux champs que si sa femme était avec lui. Quelquefois, par méprise, en le voyant sortir, on commençait à battre, mais dès qu’on s’apercevait qu’il était seul dans sa voiture, les tambours s’arrêtaient, ce qui le fâchait et l’humiliait fort.