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CHAPITRE TROISIÈME

à Naples, la reine Christine écrivit tous les deux jours à la reine de Sardaigne les lettres les plus affectueuses, remplies de détails sur suo caro Ferdinando.

Les personnes qui ont connu cette princesse capricieuse et spirituelle, très enfant gâtée, dévote plus par habitude que par véritable piété, n’ont jamais été dupes des sentiments qu’elle exprimait. Sans doute au commencement pour vaincre son aversion, par orgueil et par devoir, elle a exagéré ses démonstrations d’affection conjugale. Dans des cas désespérés, il est difficile de rester dans de justes limites quand une chose n’est pas naturelle. Plus tard se voyant toute seule, sans appui, avec un mari qui n’avait aucun de ses goûts et dont l’extérieur lui déplaisait, quoiqu’il fût fort bel homme, elle s’est entièrement repliée sur elle-même, se soumettant à une obéissance entière et n’ayant plus aucun désir en ce monde. Elle fit volontiers les choses les plus contraires à son caractère d’autrefois ; les moindres désirs du roi étaient une loi pour elle. Elle ne faisait jamais d’objection à rien. Le roi disait : « Ma femme est un ange, mais elle est trop parfaite ; elle me gêne ; elle a reçu une éducation trop différente. Je sens, malgré sa bonté, son affection, qu’elle ne peut me comprendre. » Un jour, devant beaucoup de monde, il lui dit de se mettre au piano et au moment