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MES SOUVENIRS

près, que personne ne peut apprécier plus que moi qui ai vu de près la généralité des souverains.

C’était également l’impression de M. de Benst : « Nul n’a été davantage le maître de l’Europe, dit-il dans ses Mémoires, si ce n’est Napoléon Ier ; nul n’a inspiré autant de sympathies, de colères ou de haines. À Berlin il était à peu près considéré comme un être supérieur : il en était de même dans la plupart des cours allemandes. Je ne saurais assez dire quelle favorable impression me fit ce souverain, et je n’oublierai jamais son grand et bel œil bleu. »

Il avait des accès d’extrême brusquerie.

Pendant mon séjour à Pétersbourg, un conseiller d’État que l’Empereur affectionnait beaucoup l’avait mécontenté. Après l’avoir accablé de reproches, il lui dit durement : « Expliquez-vous, monsieur. » Le malheureux, pour présenter sa justification, n’avait encore prononcé que le mot Sire, lorsque le Tzar l’interrompit : « Taisez-vous, monsieur, vous raisonnez, je crois. »

Souvent il faisait lui-même la police dans les rues de Saint-Pétersbourg. Quelques jours après mon arrivée, il parcourait la ville pendant la nuit, seul, dans son drochky. Il aperçut un soldat ivre qui poursuivait une femme s’enfuyant devant lui. Il donna l’ordre à son cocher de l’atteindre, puis le