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CHAPITRE CINQUIÈME

raison, et le succès lui donnait une grande réputation d’habileté politique. Les Russes étaient convaincus que la volonté de leur souverain triompherait de tous les obstacles. Nicolas Ier avait le sentiment de sa force et de sa supériorité ; il se regardait comme le gouverneur et la providence des autres souverains de l’Europe. Aussi saisissait-il avec empressement toutes les occasions qui s’offraient à lui pour faire la leçon à ceux d’entre eux qui lui semblaient s’être écartés de sa ligne politique.

À une revue qu’il passait à Varsovie et à laquelle assistait le roi de Prusse, il lui dit en le regardant fixement et pour le blâmer de la conduite qu’il avait tenue en 1848 :

« Vous voyez, Sire, ce régiment qui passe ; je lui avais donné le nom de Charles-Albert ; mais du moment que ce roi s’est montré félon pour la bonne cause, je lui ai aussitôt enlevé son nom. »

Il se croyait sûr de rester à la tête d’une formidable coalition européenne : « Je compte sur la Russie, avait écrit le roi de Prusse, son beau-frère, et j’ai le ferme espoir que la légitimité remportera malgré toutes les erreurs qui se dressent pour la détruire. » Au nom de la légitimité, dont il se regardait comme le gardien, l’empereur Nicolas voulut donner une leçon au nouvel empereur des Français.