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MES SOUVENIRS

quin armorié, enfin, dans un assez grand désordre, des généraux, des personnages officiels, des fonctionnaires. Le convoi, suivi par des voitures de deuil, était terminé par un magnifique escadron de gardes à cheval, musique en tête, portant le sabre sous le bras, sans doute en signe de deuil.

Je fus admirablement soigné par le docteur Patenotre, qui cherchait à me distraire en me racontant des anecdotes sur la Restauration, époque à laquelle il habitait Paris. Il tenait de l’abbé Saunier, abbé de la Trappe de la Meilleraye, le récit d’une singulière audience donnée en 1826 par M. de Corbières, ministre de l’intérieur de Charles X. L’abbé de la Trappe avait été convoqué pour affaires à dix heures du matin. Après avoir traversé plusieurs salons, un huissier lui ouvrit la porte de la chambre à coucher du ministre. Celui-ci était au lit, son bonnet de coton attaché par un ruban vert ; il travaillait au milieu d’un énorme amas de papiers. Pendant la conversation, un gémissement se fit entendre et un mouvement se produisit sous les couvertures. C’était Mme de Corbières qui se réveillait « Ah ! dit-elle en se frottant les yeux, c’est vous, monsieur l’abbé de la Meilleraye ! » Elle reprocha à son mari de ne pas l’avoir prévenue plus tôt. Elle demanda alors son chocolat, et très sérieusement se mit à tourner le