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MES SOUVENIRS

Il était occupé avec le duc de Richelieu, alors ministre des affaires étrangères, à classer de vieux papiers dont il détruisait une partie, lorsque le duc, lui tendant une dépêche, lui dit : « Voulez-vous savoir qui était le Masque de fer ? Lisez ! » Puis, se ravisant tout à coup, il retint le papier qu’il jeta au feu, en disant : « Non, il faut ensevelir pour toujours ce secret d’État. »

Le général comte de Berg, un des généraux russes les plus aimés et estimés de l’Empereur, venait fréquemment dîner à l’ambassade de France. Il nous racontait souvent des anecdotes des guerres des dernières années de l’Empire. Un vieux soldat originaire de Saverne, abandonné en Russie lors de la retraite de 1812, donnait des leçons de français dans une famille qui l’avait recueilli. Il mourut peu après, laissant à son élève une lettre de recommandation pour sa propre famille qui habitait Saverne. Ce jeune homme, ayant fait partie, comme officier, de l’armée d’invasion, arriva à Saverne avec son régiment et s’empressa d’aller porter la lettre de son professeur. La nièce de celui-ci lui parut si charmante que le soir même, à onze heures, il alla demander au comte Pahlen, commandant de cette colonne russe, la permission de se marier : « Marie-toi, mon ami, si tu en as le temps, lui répondit le comte Pahlen : nous