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MES SOUVENIRS

excentricités du malheureux prince qui touchaient à la folie. La duchesse de Parme vivait à ce sujet dans des inquiétudes continuelles. Le 27 mars 1854, jour où son mari fut assassiné, elle était au Dôme où elle priait avec ferveur. L’aide de camp chargé de lui annoncer ce tragique événement, craignant de l’effrayer en lui disant toute la vérité avec précipitation, essaya de l’y préparer. Il se contenta d’abord de lui dire : « Madame, on vient de ramener au palais Son Altesse Royale. » – « Quoi ! s’écria la duchesse, est-il donc devenu fou ? » Cela avait été sa première pensée.

Malgré ses excentricités, le duc de Parme était un prince spirituel et bon enfant. Lorsque M. de Salvandy fut nommé ambassadeur de France à Turin, le jeune duc s’y trouvait également. Le maréchal de la cour donnait des réceptions hebdomadaires ; M. de Salvandy devait s’y rendre ; il était l’objet de critiques satiriques pour ses façons pompeuses et théâtrales. Quelques dames voulant assister à son entrée se tenaient dans le premier salon. Bientôt on entendit du bruit dans les escaliers, et chacun de dire : « C’est M. de Salvandy qui arrive. » Tout le monde fixa les yeux sur la porte qui s’ouvrit avec fracas, et l’on vit paraitre un grand jeune homme maigre, à la tournure élégante, qui, ayant appris ce