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CHAPITRE HUITIÈME

à apporter à la carte de l’Europe. Il admettait comme une nécessité l’agrandissement de la Prusse. « Le sentiment national allemand, disait-il, est une force plus puissante que toutes les armées. » — Et comme s’il eût été un Allemand, il regrettait que les traités de 1815 n’eussent pas laissé libre carrière à ces idées. Lorsque la conversation traitait des visées que pouvait avoir la Prusse, il devenait tout à coup silencieux, se promenait de long en large, puis il disait comme dans un rêve : « Ma foi ! pour la France cela m’est bien égal si on me dédommage sur le Rhin ou en Italie. » — « Nous sommes toujours très mal renseignés », répétait-il souvent ; et comme ces confidences prenaient un caractère de plus en plus intime et qu’il engageait le prince allemand à lui parler en toute liberté, promettant d’agir de même de son côté : « Allons ! dit Napoléon III à son interlocuteur, entre amis on ne se trahit pas. »

Qui eût pensé que seize ans plus tard ce prince si empressé et si bien reçu à la cour des Tuileries assisterait dans l’état-major du roi de Prusse à la capitulation de Sedan, et qu’en sa présence l’empereur des Français, qui l’avait accueilli avec une si confiante amitié, se constituerait prisonnier et remettrait son épée au roi Guillaume Ier ? Qui eût pu